La sagesse des seniors

Le 31 décembre, chez nous, ce n’est pas seulement la St Sylvestre, c’est aussi la date d’anniversaire de Funny.

Il y a 11 jours, elle a passé le cap plus que respectable des… 17 ans !

 

Quand notre famille a vu le jour, en 2012, et que Manu et moi avons décidé d’unir nos chemins, nous avions à l’époque 5 chiens : Shaddaï et Looping avaient environ 5 mois (ils sont à l’origine de notre rencontre), Emmy (leur maman) avait 3 ans, Joy avait 5 ans et Funny, 6 ans.

Notre famille recomposée a mis un peu de temps à trouver ses marques ; Joy et Funny se sont régulièrement bagarrées pendant la première année, puis il s’est passé quelque chose entre elles (nous ignorons quoi…) et elles sont devenues copines.

Avec 5 chiens qui avaient entre 5 mois et 6 ans, nous avions déjà fort à faire. Leurs vieux jours semblaient si lointains que nous ne les envisagions même pas. Aujourd’hui, nous y sommes.

 

En 2015, Zou est venue agrandir la famille. En 2016, Joy et Looping sont décédés, bien trop jeunes ; l’une d’un cancer et l’autre, d’un empoisonnement. En 2018, c’est Bliss qui a fait son entrée ; puis Keziah en 2021.

Nous voilà aujourd’hui avec 6 chiens – 2 adultes de 3 et 6 ans et 4 seniors, de 9, 12, 15 et 17 ans.  Il nous semble évident que les choix que nous faisons concernant leur nutrition et leurs soins ont un impact sur leur longévité.

 

Ce que nous n’avions pas envisagé quand notre famille s’est formée, puis agrandie, c’est que nos louloutes allaient toutes devenir senior… toujours avec 3 ans d’écart. Ben oui, c’est logique… Mais ce que cela signifie, c’est que nous aurons désormais toujours au moins un vieux chien à la maison ; et probablement plus qu’un.  Notre fonctionnement quotidien sera dorénavant toujours adapté à la présence de nos ptits vieux.

 

A 17 ans, Funny dort. Beaucoup. Très profondément. Elle est totalement sourde, pleine d’arthrose (opération des ligaments croisés quand elle avait 2 ans = terrain propice à une arthrose précoce) et on suppose que sa vision n’est plus terrible. Son appétit devient variable ; elle est en insuffisance rénale depuis presqu’un an.

 

Emmy (15 ans cette année), dort aussi de plus en plus. Je la sors encore un jour sur deux, pendant une vingtaine de minutes, et elle adore ça. Elle interagit toujours avec les autres, et adore surveiller l’enclos des poules. Elle est quasiment complètement sourde. Côté propreté, si je ne la réveille pas entre 5h et 5h30 du matin, c’est garanti, il y a aura du nettoyage pour démarrer la journée. Parfois, elle a de courtes absences... des moments où elle semble déconnectée de notre réalité.

 

Shaddaï (12 ans bientôt) ralentit son rythme elle aussi. Elle commence à avoir plus de mal à monter ou descendre du divan, surtout s’il n’y a pas assez de lumière. Donc sa vue baisse. Son ouïe aussi, clairement. Avec elle aussi, nous devons penser à communiquer par gestes. Il y a quelques années seulement, j’avais vu un bouquin sur les chiens sourds. Naïvement, je me suis dit que je n’étais pas concernée. Le fait que la surdité puisse venir avec l’âge, et un jour faire partie du quotidien avec nos louloutes, ne m’a absolument pas effleuré l’esprit.

 

Zou pète encore la forme, à 8.5 ans. Théoriquement, elle est senior (à partir de 7 ans, paraît-il), mais c’est sûr, elle n’est pas au courant. Elle est dynamique, enjouée, câline, et tous ses sens sont fonctionnels. Je savoure !

 

Notre réalité a un peu basculé en mode « maison de repos canine » ; ce qui a pas mal de points communs avec l’autre extrémité de nos chemins avec nos chiens : celle de la nursery ou de la maternelle. Les nuits sont plus courtes, les accidents hygiéniques plus fréquents, ils demandent une surveillance plus attentive et des absences moins longues. Entre autres. Parce qu’ils ont aussi parfois du mal à se déplacer, parce que la communication n’est pas toujours simple, parce qu’ils demandent une adaptation constante à leurs besoins et possibilités du moment.

Nos seniors nous invitent aussi à ralentir ; souvent elles doivent nous rappeler qu’elles n’ont plus la vitesse de réaction d’avant, que leur mobilité n’est plus la même.

 

De notre côté, happés comme nous pouvons l’être par un rythme de vie soutenu, nous oublions parfois ce rythme différent… nous aimerions qu’elles « sortent vite faire pipi », alors qu’il faut d’abord de longues minutes pour qu’elles émergent de leur torpeur, puis qu’elles trouvent leur équilibre dans un corps moins réactif et beaucoup moins stable, avant de se dérouiller les pattes et de se mettre en route. Sans urgence. Jusqu’au jardin. Là, elles doivent bien entendu trouver « le bon endroit » pour se soulager. Et puis du coup, elles ont justement envie d’aller faire un petit tour… Alors pour le « vite », on repassera !

 

Bref, tout prend du temps. Tout est (plus) lent. Parfois ardu, et parfois douloureux. Pour elles, dans le corps. Pour nous, dans le cœur.

 

Elles sont malgré tout extrêmement compréhensives face à notre ignorance, dans cette aventure plus récente pour nous, de l’accompagnement des ptits vieux.

 

C’est vrai, c’est plus contraignant. On se passerait volontiers des accidents ici et là, des bobos, des inquiétudes quand elles ne mangent pas ou pas bien, des fragilités… Côté émotions, c’est aussi tout un chemin. Entre sentiment d’impuissance, inquiétudes, moments d’émerveillement, réalisation que le temps nous passe entre les doigts… nos cœurs embarquent sur des montagnes russes.

 

Il y a aussi une certaine douceur dans ces liens forts et touchants, empreints des années partagées côte à côte, des expériences de toutes sortes, faciles ou compliquées, les bons moments et les autres.

 

Et puis les détails n’ont plus la même importance, la même signification … il y a tant de petites choses auxquelles nous nous sommes habitués, qui nous paraissaient normales.

Quand je vois Emmy se rouler avec délice dans la pelouse, ce n’est plus une évidence. C’est une indication que son corps est encore assez souple pour ça, à presque 15 ans. Et qu’elle trouve du plaisir dans son quotidien.

Quand Shaddaï gambade dans les champs et se met à galoper d’un coup, en me jetant un regard taquin, je fonds… oui elle ralentit, mais elle est heureuse de vivre, et elle me le dit.

 

Nos seniors nous enseignent la patience, l’écoute, l’observation et toute la subtilité d’un langage parfois plus discret. Un simple regard, le choix de venir se blottir contre nous, une mine toute joyeuse… Parfois aussi, nous nous retrouvons à essayer de capter leur attention par de grands gestes, comme des moulins à vent !

 

Ils nous apprennent, à travers leurs bobos, à les accompagner au mieux de nos possibilités, de nos capacités et de nos connaissances. Ils nous incitent à chercher de nouvelles pistes pour soutenir leur corps et leur esprit, pour qu’ils soient bien dans leurs patounes le plus longtemps possible.

 

Ils nous conduisent aussi vers cette étape inévitable que sont les adieux, et la vie sans leur présence physique, qui suivra. Je pense qu’ils ont beaucoup à nous apprendre à ce niveau-là, dans leur acceptation des cycles naturels, des naissances et des décès.

 

Accompagner nos vieux chiens, c’est dur, à bien des niveaux. Les voir vieillir, se réveiller le matin en se demandant s’ils respirent encore, c’est lourd. Mais c’est aussi un privilège.

 

Joy est morte à 8.5 ans et Looping à 4.5 ans. Nous n’avons pas connu avec eux les complications de leurs vieux jours, mais nous avons aussi été privés de toutes les joies d’un bout de chemin « normal ».

 

Mon souhait, en écrivant ces lignes, n’est pas de vous mettre le moral dans les chaussettes.

C’est simplement de nous rappeler à tous que même quand les choses se compliquent, l’amour compte plus que tout le reste. Parce que lui restera, même après.

 

Certains d'entre vous vivent aussi sans doute cette partie du chemin, avec leurs chiens.

N'hésitez pas à me contacter si vous avez envie d'en discuter.